25, un Bruant ortolan dans la brousse de Toddé : 6e mention depuis 1958 dans la vallée du Sénégal

Bruant ortolan, migrateur stationné dans la brousse de Toddé, Trois-Marigots
2015 10 25, 9h06 / © Photo par Frédéric Bacuez

* Aire communautaire patrimoniale des Trois-Marigots. Brousses de Toddé -

Avec Etienne Henry et Abdoulaye Sow.
A pied.

MATIN, 9h05-
A mi-parcours entre marigot de Khant-sud et marais de Toddé, un bas-fond herbeux accueille toujours quelques phacochères et des Estrildidés qui profitent de la densité végétale pour reposer, manger et prendre le frais sur un sol sans eau mais longtemps humide. Ce matin, deux Suidés sont contraints de se lever et quitter le refuge ; et un bel oiseau élancé de couleur rougeâtre monte se percher sur un jeune acacia riverain pour nous regarder, sans affolement. Mais oui, cet oiseau tranquille, c'est bien un Bruant ortolan (Emberiza hortulana, ortolan bunting), une première pour Ornithondar dans le nord du Sénégal ! Si j'ai régulièrement observé l'oiseau en Éthiopie, notamment dans les escarpements de Debre Libanos (2014 11), en revanche c'est la première fois que j'ai le plaisir de l'admirer, et le photographier dans d'excellentes conditions, sur la façade atlantique du continent. D'autant que les documentations de son séjour subsaharien restent rares et fragmentaires: notre observation est la sixième mention d'emberiza hortulana dans la vallée du fleuve Sénégal et de son affluent la Falémé, de Kidira au seuil de Saint-Louis ! Et seulement la seconde d'un migrateur (postnuptial) stationné dans notre région (cf. graphique ci-après).

" La majorité des observations vient de la Mauritanie, où le bruant ortolan est un migrateur qui passe régulièrement en automne, surtout le long de la côte, avec un pic dans les dix premiers jours d'octobre, alors que la migration de printemps est moins marquée et que les observations en hiver sont rares. En dehors de la Mauritanie, environ 40 observations ont été faites dans 11 pays, la plupart de novembre à mars. Il n'y en a pas au sud du 16°N avant mi-novembre. Sur la base de ces observations, nous considérons que le coeur de la région d'hivernage doit se situer dans les prairies d'altitude, en particulier dans le massif du Fouta Djallon en Guinée, autour du mont Nimba à la frontière de la Guinée et du Libéria, ainsi que dans les montagnes de Tingi et Loma en Sierra Leone. Des observations au Nigeria, concentrées dans les habitats ouverts du Plateau de Jos, indiquent que les quartiers d'hiver s'étendent aussi loin à l'est. Cependant, quelques observations en hiver plus au nord pourraient indiquer que l'espèce passe l'hiver dans des habitats de savane de plaine. "

- Marco Thoma & Myles H. M. Menz, 
The ortolan bunting emberiza hortulana wintering in West Africa, and its status as a passage migrant in Mauritania, in Malimbus 03/2014; 36(1):13-31 [Lire ICI ou LA]

*4 The map in Morel & Morel (1990) indicates at least three more observations in Senegal (squares 15–16°N 14–15°W, 16–17°N 13–14°W and 13–14°N 15–16°W) 
for which we found no indications in the literature. Morel & Morel (1990) published the coordinates listed here for Senegal, except those of Rodwell et al. (1996). 

Bruant ortolan, migrateur stationné dans la brousse de Toddé, Trois-Marigots
Seulement la 6e mention pour la vallée du Sénégal-Falémé !
2015 10 25, 9h08 / © Photo par Frédéric Bacuez

Un déclin vertigineux des effectifs en Europe de l'ouest... donc en Afrique occidentale !

Le Bruant ortolan est une espèce du Paléarctique intégralement migratrice. Les effectifs d'Europe centrale et orientale migrent vers l'Arabie et la corne de l'Afrique. Ceux d'Europe occidentale gagnent l'Afrique occidentale vers des quartiers d'hiver fragmentés, de préférence les hauts-plateaux du Sénégal méridional au Nigeria central. Si les populations orientales demeurent abondantes, celles de l'ouest sont en revanche touchées par un déclin spectaculaire: 84% en 30 ans dans 25 pays d'Europe - l'un des plus forts déclins d'une espèce de passereau européen de ces dernières décennies ! Et une baisse probable de 42% des couples en France entre 2001 et 2011 ! L'hexagone est aussi le principal couloir migratoire des bruants occidentaux. Hélas, la France est aussi le pays du remembrement agricole, un leader incontesté de l'utilisation immodérée des pesticides et... une grande contrée de chasseurs, même des espèces officiellement protégées, surtout pour défendre les traditions culinaires ! L'ortolan était même le pêché mignon d'un président de la République française, feu François Mitterrand... Chaque année à la fin de l'été, entre 15 000 et 30 000 ortolans sont braconnés dans le département des Landes*, en toute impunité, en dépit d'une protection officielle de l'espèce, en France (1999) comme en Europe, et de son inscription à la Liste rouge nationale des espèces en danger ! Et malgré les actions coup-de-poing menées par la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux), l'ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages) et le CABS (Committee against bird slaughter)... Dans les Landes contre l'ortolan comme en Haute-Savoie contre le bouquetin, ou ailleurs contre le loup, le préfet veille à ne pas faire appliquer les textes qui protègent la faune, préférant défendre des groupuscules archaïques en expulsant des naturalistes qui ont le tort de vouloir faire appliquer... la Loi ! Pour une fois que le coupable désigné des malheurs aviaires n'est pas africain - sécheresse, braconnage et je ne sais trop encore... 'La France est un pays africain comme les autres', comme j'aime le répéter à mes amis francophones du continent.


Ci-contre : Bruant ortolan dans la brousse de Toddé, Trois-Marigots
2015 10 25, 9h08 / © Photo par Frédéric Bacuez

* 
LPO/Opération bruant ortolan 2015, in Ligue pour la protection des oiseaux (LPO, France), 2015 08 27
LPO/Opération bruant ortolan 2014, in Ligue pour la protection des oiseaux (LPO, France), 2014 09 4 - 11 4
Et dans l'excellente 'Buvette des Alpages': Buvettedesalpages.be/bruant-ortolan/

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