25, marigot de Khant-sud : deux Engoulevents à balanciers - et de Caprimulgus dans le nord du Sénégal

Engoulevent à balanciers sur les rives du marigot de Khant sud
2015 10 25, 12h56 / © Photo par Frédéric Bacuez

* Aire communautaire patrimoniale des Trois-Marigots. Marigot de Khant-sud -

Avec Etienne Henry et Abdoulaye Sow.
A pied.
Météo : impitoyablement chaud et moite, au zénith... Allah est miséricordieux, l'ombre précaire de l'arbre totémique d'Ornithondar est toute proche...

MIDI-
Le Gonakier (Acacia nilotica) fatigué sous lequel nous avons l'habitude de déposer le barda, désaltérer le gosier et casser la croûte, a longtemps été notre quartier général pour le suivi local des Balbuzards pêcheurs (Pandion h. haliaetus). D'ici, nous avions mené en vain les recherches pour retrouver Leri, une jeune femelle 'satellisée' hélas définitivement perdue dans le marigot de Khant voisin.  L'arbre est aussi le porte-bonheur d'Ornithondar: un (petit) Pic gris (Dendropicos elachus), une espèce rare et localisée dans le bas-delta était venu nous houspiller depuis la cime de l'acacia, le 27 décembre 2011 [Lire ICI] tandis que nous reprenions nos esprits surchauffés par le climat. Aujourd'hui, même cagnard, nouvelle surprise ! Cette fois ce sont deux engoulevents qui nous mènent en bourriques... J'insiste pour les débusquer car je suis certain qu'il ne s'agit pas des habituels Engoulevents à longue queue (Caprimulgus climacurus). Pas plus des engoulevents déserticoles, toutes espèces plus petites. Non ! En vol glissé sur quelques mètres dès que nous les approchons, ils sont plus trapus que des Engoulevents d'Europe (Caprimulgus europaeus), la queue rectangulaire à angle droit, avec un jizz contrasté, sombre au-dessus, clair en dessous. Au sol, ils deviennent franchement bigarrés avec de fortes impressions roussâtres. Outre les grands yeux ouverts et le cercle orbital très visible, le dégradé roux qui part du dos jusqu'à la poitrine comme une longue écharpe désordonnée nous laisse longtemps la certitude qu'il s'agit d'Engoulevents à collier roux (Caprimulgus ruficollis) à l'occasion d'une observation faite de l'espèce méditerranéenne dans le Djoudj en 2020 qu'il s'agit en réalité, ici, merci à l'expertise de Bram Piot et de Miguel Lecoq, de deux (2) Engoulevents à balanciers (Caprimulgus longipennis, cf. photos en haut de notule et ci-dessous).


Engoulevent à balanciers (sans ses pennes) aux Trois-Marigots
2015 10 25 midi / © Photo par Etienne Henry pour Ornithondar

Sur la rive inondable du marigot de Khant, les deux Engoulevents à balanciers reposent au milieu d'un bosquet de Tamarix senegalensis buissonnants; seul un Acacia nilotica décharné, dans les environs immédiats, forme un relief plus élevé. Les engoulevents semblent dormir au pied des racines des tamaris, ne recherchant pas spécialement les branchages au sol qu'affectionnent les engoulevents à longue queue. Alentour, la vasière asséchée forme des tannes déjà crevassées; cependant l'eau du marigot est toujours très haute, à portée d'ailes - quelque cinq à dix mètres seulement. A l'arrière du liseré de tamaris, une colline basse est un amas coquillier préhistorique qui a permis le classement patrimonial des Trois-Marigots. Quand les engoulevents s'envolent, ils alternent le battement d'ailes et le glissé; ils ne tentent pas de fuir toujours plus devant nous avant que de revenir par un arc de cercle vers le point de départ ainsi que le font les Engoulevents à longue queue. Ils ont plutôt tendance à tournoyer autour de leur site de repos, bref autour du Gonakier. A la différence de Caprimulgus climacurus, qui entre bien la tête dans les épaules quand il est au repos, Caprimulgus longipennis garde la tête haute, et les yeux grands ouverts. Cela est peut-être tout simplement dû à la crainte ? 


Des engoulevents dans le nord du Sénégal

Sept espèces d'Engoulevents (6 Caprimulgus et 1 ex Macrodipterix) peuvent être observées dans la vallée du fleuve Sénégal et le Sahel sénégalais. Une seule est franchement répandue et commune, Caprimulgus climacurus, aisément reconnaissable à sa longue queue finissant avec une pointe plus ou moins prononcée en fonction du sexe. C'est aussi l'une des deux seules espèces résidentes de nos confins sahéliens, avec Caprimulgus eximius de la race simplicior. Si la première peut être levée, et bien entendue - un cliquetis vibrant de clés !- partout où il y a des fourrés et des tapis de branchettes - ça, après le passage des bûcherons-charbonniers, ça ne manque pas !-, la seconde est plus exigeante quant au biotope: on la trouvera quasi exclusivement sur les talwegs et dans les endroits rocheux/caillouteux, ce qui rend sa résidence rare dans le bas-delta du Sénégal, extrémité méridionale de sa présence dans la région atlantique de l'Afrique du nord-ouest. Idem pour Caprimulgus aegyptiaca de la race saharae, qui n'est pas résidente mais hivernante de courte durée (décembre-février) dans nos sables de la vallée, et probablement du Ferlo (en tout cas oriental) à la Falémé frontalière du Mali. Un gîte diurne regroupant une cinquantaine de sujets avait même été découvert par Gérard Morel dans une friche à Salsola et Tamarix, le 13 décembre 1964 [Lire ICI]. Deux migrateurs du Paléarctique occidental traversent le nord du Sénégal pour rejoindre leurs stations d'hiver situées bien au-delà du 14e parallèle: il s'agit de Caprimulgus europaeus et de Caprimulgus ruficollis. Et un migrateur intra africain, le spectaculaire Caprimulgus (ex Macrodipteryx) longipennis, qui remonte des savanes soudano-guinéennes avec la mousson; hélas, les sujets qui fréquentent la basse vallée du fleuve Sénégal durant la saison des pluies et visiblement pour certains d'entre eux durablement après la saison humide ne portent pas leurs fameux étendards*, ce serait exclusivement des immatures qui nous rendent visite !

* En ornithologie, il ne faudrait jamais être péremptoire, ha ha ha ! La preuve en est: mon ami François Marmeys et moi avons observé aux abords du même marigot de Khant-sud, le 9 février 2017, un engoulevent à balanciers en vol et traînant ses deux célébrissimes pennes !
Lire: ICI sur Ornithondar (2017 02 9) mais aussi LA sur SenegalWildlife (2017 10 15)

  • Engoulevent à collier roux* (Caprimulgus ruficollis ssp. ruficollis et desertorum, Red-necked Nightjar), erratique hivernant 
  • Engoulevent d'Europe* (Caprimulgus europaeus ssp. europaeus et peut-être meridionalis, European nightjar), erratique hivernant 
  • Engoulevent du désert* (Caprimulgus aegyptius ssp. saharae, Egyptian Nightjar), hivernant 
  • Engoulevent doré (Caprimulgus eximius ssp. simplicior, Golden Nightjar), résident (et) erratique  
  • Engoulevent à longue queue (Caprimulgus c. climacurus, Long-tailed Nightjar), résident et migrateur partiel intra africain 
  • Engoulevent terne (Caprimulgus inornatus, Plain Nightjar), migrateur intra africain à tendance irruptive - statut incertain, peut-être assez commun en invasion [saisonnièrement "extrêmement commun" dans le Niokolo Koba et le sud-est du Sénégal, in Morel]
  • Engoulevent à balanciers (Caprimulgus ex Macrodipteryx longipennis, Standard-winged Nightjar), migrateur intra africain (mousson) 

* " Nous avons quelquefois rencontré en plein jour des engoulevents qui n’étaient ni C. eximius (Temminck) (que G.M. a trouvé nicheur près de Richard-Toll), ni C. ægyptius dont la coloration jaunâtre est à bonne lumière remarquable : le 7 octobre 1963 deux grands engoulevents gris, dans une prairie humide, au bord du lac de Guier ; le 4 novembre, trois ou quatre, dans un massif de grands acacias où ils perchaient. S’agissait-il de C. ruficollis qui fut également trouvé dans ce milieu, ou de C. europæus (Linné) qui a échappé jusqu’à présent à nos recherches ? De ce dernier il existe fort peu de mentions précises dans l’ouest africain tropical, celles d’Hopkinson, pour la Gambie, ne pouvant être retenues faute de spécimens (Cawkell et Moreau). "

Et pour aller plus loin : 
L'engoulevent ou l'étrangeté porteuse de malheur, par Christian Seignobos, in Revue d'ethnoécologie 1/2012

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