24, aparté: lire et faire lire 'Dans les forêts de Sibérie'

" Le luxe de l'ermite, c'est la beauté. (...)
La partition du recours aux forêts ne peut se jouer qu'à un nombre réduit d'interprètes. L'érémitisme est un élitisme. Aldo Leopold ne dit rien d'autre dans son Almanach d'un comté des sables dont j'ai commencé la relecture ce matin, sitôt le poèle allumé: ' Toute protection de la vie sauvage est vouée à l'échec, car pour chérir nous avons besoin de voir et de caresser et quand suffisamment de gens ont vu et caressé, il ne reste plus rien à chérir.' Lorsque les foules gagnent les forêts c'est pour les abattre à la hache. La vie dans les bois n'est pas une solution aux problèmes écologiques. Le phénomène contient son contre-principe. Les masses, gagnant les futaies, y importeraient les maux qu'elles prétendaient fuir en quittant la ville. On n'en sort pas. " (page 49)
"Ah, l'angoisse des êtres industrieux comprenant soudain que les terres sauvages se passent très bien d'eux... Qui aime la nature pour sa valeur intrinsèque et non pour ses bienfaits ? Dans Les Racines du ciel, Romain Gary campe un détenu des camps de la mort plus solide que ses compagnons. Le soir, sur le châlit, il ferme les yeux, se représente les troupeaux d'éléphants sauvages. Savoir que là-bas, dans la savane, vivent des monstres libres suffit à lui raffermir l'âme. Penser aux pachydermes insuffle la force. Tant qu'il y aura des taïgas vides d'hommes, je me sentirai bien. Le sauvage console. " (page 110)

* 'Dans les forêts de Sibérie', par Sylvain Tesson, ed. Gallimard/NRF, Prix Médicis Essai 2011.

Commentaires

  1. Bon matin Frédéric, effectivement ce que tu écris là et décries de la nature, c'est exactement, comme de l'amour, si cet amour est possessif est-ce encore de l'amour? s'en aller pour laisser l'autre libre d'aller n'est ce pas là le véritable acte d'amour? je lirais ce livre, et je te souhaite de "lumineuses fêtes" :-), cher ami, thibault

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