11, cigogne(s) noire(s) vagabonde(s) - le Ndiaël, bon gré mal gré...

Autour de la 'mare', des cigognes noires observées par Idrissa N'Diaye (PNOD) 
Réserve spéciale d'avifaune du Ndiaël (RSAN) 2010 01 26 midi / Courtesy © photos par François Marmeys pour Ornithondar

* De Thiolet à Ngallele via Bango - 

- 2010 02 11. MATIN, 11h10-
Venant des rives du fleuve Sénégal, une (1cigogne noire (ciconia nigrablack stork) suvole Bango en direction de Ngallele, N-SE puis E assez haut. La cigogne vient des confins de Taba Ahmetou où elle a passé l'automne et une partie de l'hiver, avec une douzaine (~12) de ses congénères. Elles y étaient arrivées le 30 septembre 2009 (cf. notule afférente). Avant de repartir pour l'Europe, vers la péninsule ibérique surtout, les cigognes noires ont tendance à rapidement délaisser les abords du fleuve pour les dépressions intérieures plus tranquilles (Trois-Marigots; Ndiaël; Djoudj; lac de Guiers), et ceci dès l'assèchement des plaines littorales ou alluviales alors soumises à de trop fréquents dérangements.

* Réserve spéciale d'avifaune du Ndiaël (RSAN)-

- 2010 01 26. MIDI-
François Marmeys et Idrissa N'Diaye (du parc national des oiseaux du Djoudj, PNOD, cf. photos ci-dessus) font une brève incursion dans la réserve 'spéciale' d'avifaune du Ndiaël (RSAN), qui s'étend actuellement sur 46 550 hectares à l'est de Ross Bethio. En milieu de journée, ils peuvent observer, notamment, treize (13) cigognes noires (ciconia nigra, black stork) et un (1) courvite isabelle (cursorius cursor, cream-coloured courser).


Le Ndiaël revient de loin... La vaste dépression sans relief, patchwork infini de sables salins et d'herbes rases, ponctuée de cuvettes aussi peu profondes que chotts et sebkhas sahariens, fut longtemps, à l'écart des Hommes, plus 'sauvage' que son célèbre voisin du Djoudj. Dans les années 70' du dernier siècle, on pouvait encore, en hiver, y dénombrer les sarcelles d'été (anas querquedula, garganey) par dizaines de milliers, ainsi que 200 000 combattants variés (philomachus pugnax, ruff) et 5 000 flamants roses (phoenicopterus ruber, greater flamingo).

Un sanctuaire ornithologique sacrifié...

Dès les années 60' pourtant, suite aux travaux de remblaiement et de captage des eaux du fleuve Sénégal, via l'omnipotente OMVS et ses affidés techniques, et au détournement des eaux alluviales vers les casiers rizicoles puis vers les gourmandes exploitations 'étrangères' d'exportateurs de produits verts -Français- et de fabricants de sucre -Français-, le Ndiaël s'assèche précocement dès la fin des pluies, offrant des paysages en cours de désertification rapide. Durant les décennies sèches, l'invasion des dépressions par le bétail ne fait qu'accélérer le processus de dégradation du site. Classé en réserve de faune/d'avifaune en 1965 sur 52 567 hectares initiaux, sans zonage défini, sans zone tampon ni aire centrale de protection stricte - hormis un classement 'sur papier' de 10 000 hectares Ramsar, le Ndiaël est inscrit dès 1977 sur la Liste de Montreux des sites les plus menacés au monde. A partir de 1993, sous la pression sans vraiment bourse déliée des ONG internationales, le Sénégal accepte de remettre progressivement en eau une partie de la dépression - via les eaux de drainage de la SAED et, dans une moindre mesure, par le surplus du marigot de Nyeti Yone connecté au lac de Guiers, encouragé par le Conseil International de la Chasse (CIC-OMPO, France) qui voit d'un très mauvais œil que 'ses' canards d'Europe souffrent partout au Sahel d'une détérioration rapide de leurs sites d'hivernage.

En avril 2009, une subvention de 16 millions 548 mille francs CFA est allouée par le Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) dans le cadre du projet COMPACT (Gestion communautaire pour la conservation des aires protégées), dans le but de poursuivre la réhabilitation du réseau hydrographique du Ndiaël, ouf... Un énième saupoudrage qui a toutes les chances de s'ensabler ou de se disperser en séminaires, ateliers de formation et autres cérémonies de restitution de rapport répétitif*2... Le classement du Ndiaël en 'Réserve de Biosphère' par l'Unesco, "noyau central" d'une virtuelle 'Réserve de Biosphère Transfrontalière' (RBT) avec la Mauritanie, ne changent pas grand chose à la donne: le Ndiaël n'est protégé, outre par ses steppes inexploitables, pour l'essentiel que par des engagements très oniriques, de mielleux vœux pieux, ou de solutions bien périphériques (cf. fiche du 'Projet Biodiversité Mauritanie Sénégal'*1) !...

* http://www.projetbiodiversite.org/IMG/pdf/Site_de_Ndiael.pdf
* Lire: 'Restauration d'une zone humide Ramsar: espoirs et difficultés de la remise en eau du Ndiaël et des Trois Marigots, delta du fleuve Sénégal', par Kane A., Mbaye I., Triplet P. (2002)

Une lente résurrection...

Heureusement, la nature a des capacités de régénération encore sous-estimées. Après avoir perdu 46% de son couvert végétal entre 1984 et 2003, essentiellement des arbres dont certaines espèces totalement éradiquées, mais aussi deux espèces du tapis herbacé pourtant moins atteint, on a noté avec surprise, ces dernières années, la réapparition de quatre espèces de graminées - à moins qu'elles n'aient échappé, jusqu'alors, aux rares et incomplets inventaires de la biodiversité du site... Depuis une douzaine d'années cependant, le Ndiaël redevient (localement, très localement) attractif (mais guère au delà de fin janvier) pour quelques ardéidés et laridés: jusqu'à 5 000 sternes hansel, (gelochelidon nilotica) le 23 11 2002, ainsi que 200 goélands railleurs (larus genei); pour les limicoles, dont le gravelot à collier interrompu (charadrius alexandrinus) - 1410 en 1994, plutôt en basses eaux; pour certains anatidés: outre les dendrocygnes veufs (dendrocygna viduata),  des sarcelles d'été (anas querquedula) - jusqu'à 32 000 en 1998; avec le retour des canards pilets (anas acuta) - jusqu'à 7 860 en 1996, plutôt en hautes eaux. Bon an mal an, le nombre d'oiseaux d'eau y excède maintenant les 20 000 individus. On y aperçoit régulièrement des pélicans blancs, des ibis falcinelles, de grandes aigrettes, des spatules blanches, des flamants roses; des barges à queue noire (limosa limosa), aussi: une exceptionnelle concentration de 10 935 barges a été enregistrée en 1993, même si les effectifs de ce limicole pour l'ensemble du delta sénégalais avoisine en moyenne les 3 à 5 000 oiseaux hivernants; et toujours des combattants variés (philomachus pugnax) utilisant souvent le Ndiaël comme dortoir: par exemple, 75 000 en 1993, et 134 000 en 1997 !

Cigognes et grues...

Mais ce sont les regroupements spectaculaires de grands échassiers, hivernants et résidents, qui font du Ndiaël un indispensable maillon entre le Djoudj et l'estuaire du Sénégal. Ciconiidés (tantale ibis de l'Afrotropical; cigognes blanches et cigognes noires du Paléarctique) et grues couronnées (afrotropicale) y stationnent régulièrement: en février 2006, cent soixante-dix (170grues couronnées noires (balearica pavonina ssp. pavonina), sur les 250 vues le même jour dans la région, sont dénombrées au Ndiaël. Deux jours plus tard, cent dix-sept (117cigognes noires (ciconia nigra) y sont observées en vol cerclant; une moyenne de cinq (5) à vingt (20) de ces échassiers y stationnent en général, entre octobre et mars. Quant aux cigognes blanches (ciconia ciconia) quasi inconnues des franges côtières du delta, plus de trois cent (300) d'entre elles survolent le site, le 7 janvier 2002; tandis qu'un groupe exceptionnel de cinq cent-cinquante (550) est observé sur un lac saisonnier, le 4 décembre 2003 !


Des oiseaux quasi sahariens...

Le Ndiaël est un excellent spot pour observer quelques raretés à cette latitude. Après les grandes sécheresses de 1973-1974 et 1984-1985, puis avec l'assèchement de la dépression par les 'aménageurs' du delta, des espèces traditionnellement inféodées aux biotopes désertiques du Sahara et de son immédiat pourtour ont fait leur apparition ou augmenté en nombre dans les steppes du Ndiaël. C'est particulièrement vrai pour les alouettes, dont le sirli du désert (alaemon alaudipes), depuis au moins 1999; et l'alouette du Kordofan (mirafra cordofanica) observée dans le sud du Ndiaël en 2004 12 (4 individus) et 2006 02 (1 individu). La moinelette à front blanc (eremopterix nigriceps) y côtoie maintenant sa cousine à oreillons blancs (eremopterix leucotis). Quant au courvite isabelle, (cursorius cursor) il s'y rencontre désormais plus facilement que le soudano-sahélien courvite de Temminck (cursorius temmincki) moins déserticole.

Des mammifères relictuels

Au Ndiaël, la grande faune est depuis longtemps éteinte - bien avant les années 50' du siècle dernier. Si le cobe redunca y a un jour même déjà existé il n'y est plus depuis des plomb(e)s, mais la rumeur affirme que quelques gazelles à front roux (gazella rufifrons ssp. rufifrons) y subsisteraient laborieusement, remontant de la vallée fossile du Ferlo, ben voyons... Cette information reste pour moi une pure vue de l'esprit, les graces encore plus improbables ici que les gazelles à Gainthe (Djoudj), en somme... La faune du Ndiaël se tient à quelques phacochères (phacochoerus africanus), quelques loups africains/chacals sveltes (canis lupus lupaster ex canis aureus), à des renards pales (vulpes pallida) et chats gantés (felis silvestris lybica), et à de petites bandes de patas (erythrocebus patas), ces derniers communs à tout le nord sénégalais. Quelques viverridés (mangoustes sp. et genettes plus civettes) et mustélidés comme la zorille commune (ictonyx striatus), peut-être le ratel (mellivora capensis) s'y font très discrets. Les pythons de Séba (python sebae), et quelques crocodiles de l'ouest africain (crocodylus suchus) y seraient présents, ou de retour, localement - c'est à voir, et sérieusement... Le fait le plus spectaculaire reste le contact à plusieurs reprises depuis le début de ce XXIe siècle avec une/des hyène(s) tachetée(s) (crocuta crocuta); la dernière fois qu'elle y a été rencontrée, c'était en... 1952. Plusieurs clans ont, semble-t-il, survécu (avec tanières constatées !) à l'orient du lac de Guiers jusqu'au début des années 90' du siècle dernier (comm. F. Baillon). Dans le Ndiaël, une hyène aurait d'ailleurs attaqué un troupeau de bovins et mortellement blessé un veau, il y a tout juste un an (cf. notule de 2009 01 18 sur Ornithondar): en l'état actuel de la sécurisation du site, je lui/leur donne peu cher de sa/leur peau, à elle/elles aussi...
Sources: BirdLife international et African Bird Club (ABC)

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