Discussion: de la race de(s) faucons pèlerins à Dakar

Faucons pèlerins - Falco peregrinus ssp. minor ou autre ?, mâle (à d.) et femelle (à g.)
Hôtel Diarama, N'Gor, Dakar, Sénégal 2016 02 27, ~7h30 / Courtesy © photo par Jérémy Calvo pour Ornithondar

* Dakar. 
Hôtel Diarama, depuis le Village-hôtel Calao, N'Gor
Île Sarpan, parc national des îles de la Madeleine (PNIM)-

2016 02 26, 27, 28-
Séjour de Jérémy [Jérémy Calvo.fr/], 1/16.
Querelle d'ornithos autour de faucons pèlerins (Falco peregrinus ssp., Peregrine Falcon ssp.) observés et photographiés par Jérémy Calvo, Bram Piot et moi-même à Dakar, sur les corniches de l'hôtel Diarama (N'Gor), mais aussi sur l'îlot Sarpan (parc national des îles de la Madeleine, PNIM). A quelle race appartiennent-ils ? Et donc de quelle zone géographique nous viennent ces falconidés à la distribution quasi mondiale ? Peregrinus ouest-européens ? Calidus subarctiques ? Pelegrinoides méditerranéens ? Eh bien non ! Si l'oiseau de la Madeleine est bien un jeune pèlerin de race indéterminée (cf. photo en bas de notule), les faucons de l'hôtel Diarama pourraient bien être, selon Dick Forsman et Patrick Bergier, des faucons pèlerins de la race afrotropicale minor. Une première à Dakar, plus habituée à accueillir pour l'hiver tropicalisé des sujets nordiques du Paléarctique. A défaut de preuve irréfutable quant à l'origine des deux faucons de N'Gor, Ornithondar propose à ses lecteurs ci-après le déroulé de nos 'disputes', avec les arguments des uns et des autres - certains étant des plus fins connaisseurs du célèbre rapace.

Tout commence, recommence en fait, les 26, 27 et 28 février derniers, à l'occasion du séjour chez nous au Sénégal de mon ami le photographe animalier Jérémy Calvo. Comme chaque année en hiver, la façade nord de l'hôtel Diarama accueille un à plusieurs faucons pèlerins qui y trouvent tout de l'ambiance des falaises qu'ils affectionnent (cf. photos ci-dessous et en haut de notule). Beaucoup de pigeons et de tourterelles, de tisserins et de moineaux dans les environs, et surtout des dizaines de milliers de travailleurs à bec rouge (Quelea quelea) qui, dès l'aube et au crépuscule passent par ici en nuées spectaculaires (cf. photos en bas de notule); toutes espèces qui font un aisé menu pour les rapaces perchés à quelques mètres de la passée ! Ce 27 février au petit matin, nos deux faucons se réveillent laborieusement, la tête enfoncée dans les épaules, pas encore intéressés par les nuées de mange-mil qui défilent au large de leur vire hôtelière ... Profitons-en pour les photographier.

Difficile pour le F. 'Peregrinus' de voir sa taille. (...) peu de barres en dessous chez le deuxième individu et la 'moustacial stripe' large, je dirais F. p. 'minor'. "
- Wim Mullié, à Frédéric Bacuez, 2016 03 20

Confirmation [par Dick Forsman] de l'identification initiale du couple comme F. p. minor [par Wim Mullié]:
As far as I can judge, the adults, clearly a pair, belongs to ssp. 'minor'. Note especially the very dark head, appearing almost completely hooded, the dark slaty upperparts ad the rather heavy barring below (of the female especially). This phenotype is rather similar to ssp. 'brookei' of the Mediterranean basin and away from their respective locality the two would perhaps not be separable. Ssp. 'pelegrinoides', wich also is a possibility in the Dakar area, should be paler above, have a narrower moustache and be more finely barred below (adult males ofen almost unbarred). "
- Dick Forsman, à Wim Mullié cc Frédéric Bacuez 2016 03 20

" Oui je penche aussi pour 2 adultes 'minor': gros capuchon noir, épaisses moustaches noires, parties supérieures très sombres, dessous fortement barré, pas de roux sur la calotte ou les joues... Rien à voir avec les oiseaux vus plus haut en latitude, au Maroc (y/c Sahara Atlantique).
Bref, deux 'Pèlerins minor' pour une observation majeure ! "
- Patrick Bergier, à Frédéric Bacuez 2016 03 21

" Si c'est du 'minor', alors que feraient ces oiseaux ici en hivernage ? Sauf erreur 'minor' est résident, alors que là il s'agit visiblement d'hivernants. Sans vouloir contredire Forsman, je les ai toujours pris pour des 'peregrinus' ou 'calidus', mais sans certitude. Si c'est bien les mêmes oiseaux dont on parle (je les ai vus encore ce matin au Diarama), cela ne ressemble pas trop à ce que je connais de 'minor' en Afrique centrale. Forsman lui-même avait d'ailleurs identifié ces mêmes oiseaux de N'Gor comme 'peregrinus/calidus': voir Senegalwildlife.wordpress.com/2012/01/24/more-on-the-ngor-peregrine/ "
- Bram Piot, à Frédéric Bacuez et Wim Mullié 2016 03 20


Ce qu'en pense l'Ornithondar...

Comme Bram, j'ai eu la chance d'apercevoir en Afrique subsaharienne et dans leur milieu des faucons pèlerins de la race minor - notamment dans le sud du Burkina Faso: pas le souvenir d'un jizz semblable à celui de nos faucons de N'Gor... En mémoire, l'idée que le rapace était moins contrasté mais globalement plus sombre, presque noir sur le dessus et la tête, avec un ventre rayé sur fond brun et non pas blanc-gris... A l'époque, je ne m'attardais pas aux détails comme aujourd'hui mais cela m'avait frappé l'esprit. S'agissait-il de jeunes ? Au regard des rares photographies disponibles (Voir photos ICI, par Nik Borrow en Ouganda, ICI et LA sur African Bird Club), il semble pourtant que les sujets adultes de minor correspondent peu ou prou à l'idée que je m'en faisais, et aux rapaces que j'ai eu à observer (en particulier dans un milieu de pitons au sud-est de la réserve de Nazinga, non loin de la frontière ghanéenne du Burkina Faso)... Autre étonnement: les faucons pèlerins de l'hôtel Diarama sont connus depuis plusieurs années, et passaient jusqu'à présent pour des sujets de l'Europe septentrionale, possiblement intermédiaires entre calidus et peregrinus. Il est vrai que les hivernants ne sont pas contraints d'être fidèles au même perchoir à chacun de leur pèlerinage saisonnier... Il n'empêche que les sites favorables ne sont pas innombrables, au Sénégal, pour accueillir des oiseaux de falaises ou de littoral rocheux...dont font partie les sous-espèces peregrinus et... minor ! Les îlots déchiquetés et les éboulis chaotiques de la péninsule du Cap-vert, la falaise de Popenguine, et les quelques barres immobilières de la capitale pourraient donc être convoités par les deux races d'origine géographique bien différente... Il n'en est pas de même pour les sujets péri-arctiques comme calidus ou les intermédiaires entre calidus et peregrinus de Scandinavie: ceux-là ont un faible pour les espaces estuariens et ouverts, comme ceux du bas-delta sénégalais (et du Sine Saloum ?)... Ornithondar, comme Nik Borrow au Djoudj (voir photo ICI sur African Bird Club), a pu observer ces grands et clairs faucons dans la basse vallée du fleuve*: tout spécialement à Bango, sur les rives du Djeuss et dans la plaine alluviale de Biffeche, sur l'île patrimoniale de Ndar, ainsi que sur la Langue de Barbarie (où la race nous est cependant restée indéterminée car il s'agissait ici d'un oiseau juvénile).

Dernier point qui vaudrait approfondissement de la question: si d'aventure ces deux faucons pèlerins étaient des sujets de la race afro-tropicale minor, cela serait une nouvelle d'importance: à notre connaissance, il n'y a pas de preuve de présence, encore moins de résidence de minor au Sénégal ! Sauf, peut-être, dans le sud-est du pays, a priori très favorable à la présence de ce pèlerin subsaharien (in Borrow & Demey, 2011). Les deux falconidés de l'hôtel Diarama, version d'hiver 2016, seraient alors des hivernants intra-africains; des erratiques venant faire leurs emplettes dans la capitale sénégalaise... Décidément, Dakar, ce hub... Permettez qu'Ornithondar, comme Bram Piot, reste perplexe. Dubitatif(s).

Post scriptum: dans la dernière livraison de SenegalWildlifeBram Piot note que les faucons pèlerins étaient invisibles, en mai "définitivement partis". "Dernière observation le 18 avril"...

Ci-dessous:
faucons pèlerins, femelle (à g.) et mâle (à d.) sur les vires de l'hôtel Diarama, au petit matin
N'Gor, Dakar 2016 02 27, ~7h30 / Courtesy © photos par Jérémy Calvo pour Ornithondar
N'Gor, Dakar 2016 02 26, 8h25 - 02 26, 17h54 - 02 27, 7h18 / © Photos par Frédéric Bacuez




Ci-dessus:
géolocalisation des faucons pèlerins observés à Dakar avec Jérémy Calvo
Faucon pèlerin à l'hôtel Diarama en 2011 / © Photo par Fleming Quist pour Senegalwildlife


En ce qui concerne le pèlerin photographié sur l'îlot Sarpan, le 28 février 2016 par Jérémy Calvo, Etienne Henry et moi-même:
Definitily a juvenile Peregrine. Note the barred undertail coverts (plain in juv Lanner) and the distinctly barred secondaries (usually more uniformly dark in Lanner). Also the head markings are typical of Peregrine, with hardly any difference in colour/lightness between crown and sides of head and the moustache is broad and rounded at the tip (usually narrow and pointed in Lanner). Heavily pigmented, darkish juv Peregrines can show quite a marked difference between remiges and darker coverts, so the marked underwing contrast as such is not enough proof for Lanner. "
- Dick Forsman, à Wim Mullié cc Frédéric Bacuez 2016 03 20

* En complément, sur Ornithondar:
Pointe nord: un Pèlerin à l'antenne, comme chaque hiver..., 2014 01 16
Au sujet des sous-espèces du Faucon pèlerin dans le bas-delta, 2013 06 27
Un Faucon pèlerin subarctique hiverne sur l'île de Ndar, 2011 01 27


Faucon pèlerin - Falco peregrinus ssp., sujet juvénile au-dessus de l'île Sarpan
Parc national des îles de la Madeleine (PNIM) 2016 02 27, 11h20 / Courtesy © photo par Jérémy Calvo pour Ornithondar

Les nuées de Queleas
sur terre, vers et sur les îles, par-dessus les flots* !

Le réveil des travailleurs à bec rouge 
- l'oiseau le plus nombreux sur Terre !

* Lire, de Wim Mullié et al., in ResearchGate.net, janvier 2015:

Ci-dessous:
nuées de Travailleurs à bec rouge - quelea quelea, dans le ciel de N'Gor, îles comme continent...
De N'Gor (ci-dessous) à l'île Sarpan (en bas)
2016 02 27, 7h20 et 12h15 / © Photos par Frédéric Bacuez


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