3, relâcher de captifs - héron strié et martin-pêcheur huppé

Martin-pêcheur huppé tout juste sorti du nid et tombé au sol à l'occasion de son premier (en)vol... manqué
2015 11 3 matin, chez Véronique et son Arche de Noé... / © Photo par Frédéric Bacuez

* Bango. Marais du Djeuss -

SOIR-
Avec Véronique, Chantal, Maya, Sébastien et... Ozzie, 5 ans !
A pied, par la digue bangotine.

Décidément ! Après le sauvetage de deux anhingas d'Afrique (anhinga rufa, survivants d'un quatuor captif, lire ICI et LA) voilà que coup sur coup, à deux jours d'intervalle, les écoliers du quartier de bon matin récupèrent dans la rigole un héron strié (butorides striata ssp. atricapilla) puis un martin-pêcheur huppé (alcedo cristata ssp. galerita), deux oiseaux juvéniles que nos chérubins (sénégalais) confient illico à Véronique (française), la nouvelle madone bangotine des animaux en détresse ! Tout ça, de toute façon, ce sont des histoires de et pour Blancs.... Mieux, dans un pays où la phrase francophone la plus audible est "bonjour, toubab, donne-moi l'arzent" - sans que cette désinvolte impolitesse ne froisse la dignité des parents et autres patriotiques habitants du cru-, les enfants ne demandent rien en retour, allez comprendre quelque chose au sens local des affaires... La bonne éducation serait-elle, après l'économie, à son tour en pleine émergence ? 

Trêve de plaisanterie. A l'évidence, le martin-pêcheur a quitté le nid un peu précocement, même si son plumage n'est déjà plus celui d'un pull. On imagine que le jeune oiseau a tenté de s'envoler et, faute de plumes porteuses s'est lamentablement abîmé dans la rigole... presque à sec. Quant au héron strié, un sacré bestiau, il cavale comme un cheval et, en mains, gigote comme un forcené ! Dans son cas, en revanche, on ne sait pas si l'oiseau a pu s'échapper de sa prison chez les pêcheurs-braconniers, qui habitent près de ladite rigole. Ou s'il s'agit d'un jeune oiseau des environs, également perdu dans l'oasis bangotine... On a l'intime conviction que l'ardéidé est bel et bien un fugitif, qui a pu réunir suffisamment de forces pour échapper à une mort programmée, lente, faute d'eau, de nourriture et de soins, chez A. et M. qui ont d'autres préoccupations, plus matérielles - pragmatiques et concrètes, évidemment...
Le hic, c'est que nos deux nouveaux pensionnaires ne sont pas les anhingas, autrement plus dociles. Ceux-là ne veulent pas manger ! Trop stressés... Le héron est recroquevillé, refusant absolument toute alimentation, ne cherchant qu'un refuge le plus inaccessible, sombre et tranquille pour s'y abandonner. Le martin-pêcheur pourrait en revanche ingurgiter les morceaux de poisson que lui tend Véronique; mais l'alcididé est en permanence confronté à un terrible dilemme: ou manger (et faire confiance) ou se défendre, en dressant les plumes de sa huppe et en effectuant une contorsion semi-circulaire du cou et de la tête, en avant. Il a visiblement opté pour l'hostilité. La chair de poisson reste invariablement coincée dans le bec tandis que l'oiseau se tient sur la défensive; malgré la faim. Nous décidons qu'il serait plus sage de les libérer une fois le calme revenu, en fin de journée. D'autant que le héron a tout le savoir-faire pour prendre la poudre d'escampette, et que le martin-pêcheur peut voleter en ligne droite sur plusieurs dizaines de mètres. Poursuivi par la chatte du jardin... qui n'en ferait qu'un en-cas.

Liberté fugitive dans le marais du Djeuss - "séquence émotion"...

En toute fin de journée, c'est en forte délégation - six toubabs d'un coup, pour des zoazos !- très investie dans le sentimentalisme animalier, et emmenée par le jeune Ozzie qui tient absolument à libérer lui-même les petits captifs, que nous emportons, dans leur sceau respectif, les prétendants à la liberté et aux impitoyables lois de la nature... mais chuuuuut, il y a un enfant...
A la sortie du village par la digue djeussienne, nous avons décidé que les oisillons seraient relâchés à droite de la digue, coté marais et typhaie du Djeuss 'doux'. A gauche, il y a le bolong de Kaïgga et au-delà, la mangrove de palétuviers, mais le chenal me paraît à haut risque pour un envol précipité. On ne va pas offrir une noyade de piafs à un gamin enthousiaste; il ne s'agit pas de petits migrants syriens, là ! Évidemment, le lâcher ne se passe pas tout à fait comme un rêve: le martin-pêcheur file droit, certes, mais à ras du sol et finit dans les herbes émergées, à fleur d'eau. Le héron strié se débat comme un diablotin dans les mains et s'échappe dans les branches d'un tamaris avant de disparaître au milieu des racines, à moitié trempées elles-aussi. La nuit décidera si les deux volatiles auront droit à la vie - ou pas. Pas de remords ni de trémolos existentiels : chez les Hommes ils seraient morts, tôt ou tard, ou bouffés par nos semblables, chats et chiens. Ozzie est satisfait de notre geste, c'est l'essentiel. Il a largement le temps de savoir que civettes, serpents et rapaces ne pourraient faire qu'une bouchée de nos petits affranchis aux ailes encore hésitantes...

Ci-dessous : Ozzie et le martin-pêcheur au bord du marais djeussien... 
Avec Frédéric, 2015 11 3 / Courtesy © photos par Maya Latrubesse pour Ornithondar

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